mercredi 23 septembre 2009

Paul Claudel

« Adieu, amis, nous arrivons de trop loin pour mériter votre créance ;
Seulement un peu d’amusement et d’effroi.
Mais voici le pays jamais quitté qui est familier et rassurant.
Il faut garder notre connaissance pour nous,
Comprenant comme une chose donnée dont on a tout à coup jouissance,
L’inutilité de l’homme pour l’homme, et le mort en celui qui se croit vivant.
Tu demeures avec nous, certaine connaissance, possession dévorante et inutile.
L’art, la science, la vie libre…
Ô frères qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ?
Laissez-moi seulement m’en aller ; que ne me laissez-vous tranquille ?
Nous ne reviendrons plus vers vous.
Le vieux parieur est parti tranquillement pour sa patrie la plus profonde. Le vieux Colomb s’est embarqué pour ses Amériques intérieures (la nation lui a porté des fleurs. C’était justice.)
Il est parti pour ses grands soleils et ses grandes eaux.
Vous restez tous, et nous sommes à bord, et la planche entre nous est retirée.
Il n’y a plus qu’un peu de fumée dans le ciel, vous ne nous reverrez plus avec vous.
Il n’y a plus que le soleil éternel de Dieu sur les eaux qu’il a créées.
Nous ne reviendrons plus vers vous. »


Paul Claudel, je crois, avait écrit ce texte afin qu’on le lût à sa disparition.
C’est l’écrivain Alexandre Vialatte qui le fit le premier. Il le republia dans une de ses chroniques. J’attire l’attention sur le contenu du texte de Claudel. Ce catholique profondément croyant y émet un doute, voire un certain athéisme et un noir pessimisme, qui font de son propos, ici, un exemple à considérer. Que ce soit en écrivant, ou, plus simplement, en parlant, on en dit toujours plus que ce qu’on aurait cru.

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