lundi 29 novembre 2010

Obscénité


Voici la page d'ouverture que Pôle emploi adressa à ses "ressortissants" en octobre 2010.
Cela se passe de commentaires.
L'obscénité fait rage.

Perles de culture "dekopidubac", authentique, hier sur France Inter/à mourir de rire


A tous ceux qui aiment rire pour ne pas pleurer, voici comment, à France Inter on « traite » les sujets culturels et artistiques et probablement tous les autres : par dessus la fesse...
Voilà à quels extrêmes conduit un traitement « pipole » de l’information. Qui a donc choisi de confier à une bécasse inculte - et / ou négligente de son travail - cet entretien Luchini/Muray ??? On croit rêver, on a honte pour "elle", mais on rigole, éberlué, consterné, comme le fut son invité malicieux, aussi féroce qu'indulgent.

C’était ce dimanche matin (28/11/2010) entre 11 h et midi, un programme titré : « Je hais les dimanches »

Il faut écouter jusqu’au bout, car cette "séance" fut un véritable collier de perles. Perles – qui déferleront en cascade, rebondissant sur l'escalier de la bêtise jusqu’à l’échéance-déchéance ultime... Une pièce d’anthologie.
Mais c’est dès l’ouverture que ça démarre "le plus fort".

L’invité est Fabrice Luchini à l’occasion de ses lectures de textes de Philippe Muray.
C'est ici et à écouter jusqu'à la garde :

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/je-hais-les-dimanches/archives.php

jeudi 4 novembre 2010

à Pierre dont je me souviens/Deuil



  Hier matin, 26 décembre 2008, je suis partie dans le blizzard à 50 bornes, vers la chapelle de l'hôpital Saint-Joseph, à Marseille avec ma chère Marie-Claire. 

Il s'agissait de dire au revoir à son Pierre, son amoureux, son compagnon, notre ami : un type plein de fantaisie et de liberté, de joie et de "canaillerie". Un merveilleux peintre que la gaîté anima toujours, genre Matisse, Bonnard ou d'autres...  

Un être non dénué d'une certaine insolence (celle qui me plaît tant), qui s'est éteint à 52 ans, au terme d'un cancer de la moelle épinière qui l'a tant fait souffrir, et qui le priva, deux mois durant, de l'usage de la parole, ainsi que de ses quatre membres... Mais pas de sa conscience, de son esprit, de sa vigilance, ni de sa beauté de « beau mec ».  

 Sans parler de la peinture, devenue à ce moment-là, impossible... 

Je suis donc partie avec elle, Marie-Claire, sa très chère, à 9 h du matin. Il faisait très froid et un mistral glacial nous enveloppait de ses griffes sans pardon, comme pour nous dire que nous n'aurions plus jamais le dessus sur les "éléments". Soit ! 

Il était dit par ailleurs que Pierre, dans sa soie ivoire et son costume de chêne, prendrait le bateau pour le petit village corse de sa naissance, le soir, à la nuit tombée, sur une mer très agitée, pour arriver à quai seulement au petit matin du samedi, à Ajaccio, via les hameaux et tombeaux de famille inconnus, sous la neige, le froid et le vent. 

Tandis que Marie-Claire, son amante, la plus triste d'entre nous tous, la plus courageuse aussi, accompagnée de cette princesse qu'est Anne-Sophie, sa si géniale fille, survoleraient par avion ce funèbre convoi. 

Mais avant cela, la veille du dernier voyage, la veille de l'inhumation après messe en règle, dans la chapelle de l'hôpital Saint-Joseph/Marseille, on avait mis Pierre. 

 Dans son cercueil ouvert. 

 Le blizzard était ici enfin tenu en respect et une certaine paix régnait. Le calme après la terrible tempête. 

Je l'ai donc vu là, ce Pierre, pour la dernière fois, tout petit et très très amaigri, dans son cercueil garni de capitons ivoire, comme pour mon père et ma mère, tout juste sept mois auparavant, en mars et avril 2008. Tous « ex aequo » là, comme des enfants re(de)venus, dans des langes inappropriés, en partance pour d'autres limbes... 

Et cette si belle et rassurante couleur Ivoire, comme pavillon de complaisance commun... 

Marie-Claire, que je tenais juste par la manche de son manteau de laine noire, pour lui signifier discrètement ma présence amicale et compatissante, a dit : - "Il est beau. Comme il est beau". Mais ce si bel homme, relativement jeune, attirant et joyeux toujours, ne ressemblait plus, pour moi, qu'à une momie égyptienne venue du fond des temps. Un mois et demi d’agonie vous souffle toute velléité de séduction et seul l’amour inconditionnel et jusqu’auboutiste subsiste. Voilà tout. Marie-Claire, qui l'accompagna et recueillit son dernier souffle, et l'aima jusqu'alors, jusqu'au bout du bout de l'ultime chandelle, le trouvait toujours beau. 

Moi aussi en un sens. Mais en un sens seulement. 

Et "cela", que je contemplais, restait encore mon ami Pierre. Toutefois, il venait bien, tout comme nous tous, du fond des temps où, d'ailleurs, il repartait désormais à tout jamais. 

 Subsistait de cette Égypte pharaonique, indiscutablement, une ressemblance très certaine avec lui. La vraie vie est ailleurs et la mort aussi ! Et nos parents pas ceux que l’on croit. 

La bouche, la peau blême et tendue, presque en lifting, les yeux clos, paupières si creuses, et ce nez pincé, tout était dit. Un mort. Une momie égyptienne.  

Même beau, un mort est un mort. 

Celui, cet homme si animé, si jovial, que j'avais connu et avec qui j'avais dîné pas plus tôt que trois mois auparavant était là, sous mes yeux, transformé en objet. En objet exposé.  

Rendu au monde des choses, dans une extrême et insoutenable vulnérabilité. 

Cependant, un minuscule papier de cigarette, un souffle de bébé, nous séparaient sans plus aucun remède désormais. 

Entre nos vies exubérantes et souvent fantasques, entre nos billevesées, nos "blagues", nos excès et joies de langage, nos palabres inconstantes... et les momies égyptiennes, il y avait bien plus qu'un point commun, je vous le dis. 

Une ressemblance, et même, une vraisemblance incontournable. Entre l'extrême pesanteur de nos existences et le peu de poids de nos corps dès lors qu'ils sont défunts, desséchés par le cancer par exemple, il n'y a même pas l'épaisseur de ce fameux papier de cigarette censé tuer à l'aveuglette et inscrit sur leurs paquets, si sottement estampillés pour nous ruiner le moral. 

Rien !  Tout juste l'ombre d'une particule élémentaire peut-être. Une paille ! Si loin, si proche, dit-on. 

Comme si ta si fine peau, Pierre, entraperçue juste avant le couvercle définitif, me disait :  

allez, va, c'est RIEN ! 

 Mais moi, je t’ai vu dans cet état… Je t’en demande pardon. Par avance et pour toujours. 

 Le prêtre était un être intelligent, cultivé au bon sens du terme, et sensible. Un Corse par hasard. Ou par calcul : qu'en sais-je après tout !  

Toujours est-il qu’il a fait un office digne, beau et bref. 

 Moi, je suis athée : croire en Dieu est pour moi une abyssale impuissance, aussi insurmontable que contrite et pourtant, j'aime la religion. Spécialement la catholique, car la seule dont je possède des bribes... 

J'aime  la religion - disons que je la respecte pieusement - je veux dire ce qui relie par-delà ce que l'on peut comprendre, si loin de ce que l'on peut saisir. L’éloignement me sied, l'incomplétude et l'imperfection me rassurent, l'inconnu, l'incompréhensible et le hasard m'enivrent.

Et, mécréante que je reste, je ne cracherais jamais sur le message christique, bien au contraire. 

L’ENFANT DES LIMBES PREND LE RELAIS

 Il a dit (le prêtre), durant l'office pour Pierre, qu'il avait ensuite un petit bébé mort en naissant.  

Seul au monde et sans parents, sans famille pouvant être présente là. 

C’est ce qu’il avait à faire juste après. 

 Nous étions le 26 décembre et le petit était mort le jour même de Noël donc. 

 Il a fait comprendre sans le dire (ce prêtre) qu'il allait être tout seul dans cette austère chapelle d'hôpital pour baptiser le petit Evan, tandis que la femme qui lui avait donné à la fois la vie et la mort, se trouvait toute seule, en réanimation et en état très grave. 

Dès lors j'ai pensé que je devais rester. Je l'ai pris comme un devoir. Et comme une chance... Pour le prêtre. Et pour la mère s’il advenait qu’elle survive. 

 Alors que je ne crois pas en Dieu et que "je n’aime pas les autres »… 

 Anne-Sophie et Marie-Claire, sans que nous ne nous soyons consultées, ont eu la même pensée en même temps que moi : ne pas laisser ce prêtre tout seul. 

Ne pas laisser ce "PETIT CORPS SANS VIE" (comme a dit le prêtre ensuite), partir seul aussi, fût-ce pour sa mère lorsqu'elle serait remise, si toutefois j'ose employer ce terme (se remettre) à ce sujet. 

 Le culot d'Anne-Sophie (25 ans) a remporté nos mises... 

Elle a eu l'audace d'offrir au prêtre notre présence à cet office. 

C'est ainsi que, délaissant la dépouille de Pierre, à quelques-un(e)s, à trois ou quatre, nous sommes restés, retournant dans la chapelle pour l'office suivant, celui pour le petit Evan, enfant mort né du 25 décembre. Un soldat inconnu. Dans le but d'escorter, pour autant que ce soit possible, ce merveilleux prêtre et ce si joli petit enfant, encore tout rose, exposé dans son beau drap de dentelle blanc. 

 Il était disposé dans sa coque de plexiglas, comme toutes celles où naissent les petits aujourd'hui. Il était mort tout en naissant, le jour même de Noël. 

Sa mère, toute seule en réanimation ayant supplié que l'on baptisât Evan, dixit le prêtre. 

Ce dernier, ayant aussi passé outre l'interdit du dogme strict en ces circonstances (pour le peu que j’en sais), l'a baptisé, demandant, à Gilles ami, des photos pour la maman ensuite, et a lu devant ce "tout petit enfant du Christ", le si profane "au-revoir du Petit Prince au narrateur", c’est-à-dire le final du si beau, et certes consensuel, conte de Saint-Exupéry. On n'aurait su, de mémoire de poète, mieux trouver...

 Ce genre de cérémonie, telle qu'elle s'est déroulée, dans l'inattendu, la peine, la fatigue, le froid, la peur et l'hébétude, il faut y avoir été. Il faut s’y être trouvé pour mesurer un certain nombre de choses, assez difficiles à exprimer. 

 Cet homme, ce prêtre, a su choisir, au milieu d'une pléthore de discours obligatoires et de banalités convenues à sa disposition, ce qu'il y avait de mieux au monde pour ce petit, pour ce qu’il resterait ensuite de lui, à savoir, surtout pour sa mère et sa « mémoire » à elle, probablement un souvenir irrémédiable. Irrémédiable veut dire "sans remède". 

Et peut-être aussi pour nous, pauvres pécheurs, enfermés dans la peine d'un seul autre qui n'entend pas toujours le "Au suivant" !... 

Cette cérémonie m'aura marquée à tout jamais : un petit bébé totalement inconnu, anonyme, tout seul (mais certes mort), avec juste un prénom pour quelques secondes, sans père ni mère, défunt le jour-même de Noël, tandis que je disais au revoir à un ami connu et longuement fréquenté et à l'amoureux de ma meilleure amie. 

Je ne sais pourquoi mais je pense que, à ces sujets pourtant très aisément " touche à tout", cet « incident » marque ceci :

Nos chances s'étiolent aussi inexorablement que TOUT LE RESTE. 

C’est un signe qui me fait signe. 

C'est la contamination de la "coïncidence de Bertrand" ou le paradoxe quantique du "chat de Schrödinger ". C’est aussi la « synchronicité » de C.G. Jung, mais pas seulement d’eux, car il y en a bien d’autres ! 

Elle est de nature ornithologique (pour ne pas dire ontologique (*), génétique, voire inter galactique !) comme le diraient certains autres auteurs d’hier et de to day que j'ai à cœur. 

Pour l'heure je trouve la perspective assez funeste.  

 Mais, après tout, je n'en sais rien, aveuglée que je puis être par des chagrins intempestifs, comme le sont presque tous les chagrins.

(*) Voire oncologique