dimanche 17 octobre 2010

L'aspirateur d'angoisse


Témoignage-récit

Un jour, il y a 3 ans et quelques, on a sonné à ma porte. J’ai eu le malheur d’ouvrir. Un petit gus se proposait de me vendre pour pas trop trop cher (mais un peu quand même) un aspirateur « unique en son genre » qu’il disait.
Petit, compact, sans sac (100 sacs ?), l’engin avait vraiment tout pour plaire ou presque :

Puissance d’aspiration, option Kärcher discrète, pente savonneuse, plusieurs vitesses de croisière, apte aux voiles et option vapeur, et pied du mur. Une brosse à reluire, elle aussi unique en son genre et facile d’emploi, me permettrait de cirer mes parquets sans glisser la pièce ! Et un petit réservoir sous le côté droit du ventre permettait de vaporiser les endroits les plus douteux d’une sorte de venin anti-bactéries parfaitement redoutable (un litre gratuit fourni avec par les copains de la firme Bayer). Formidable, décidément formidable.
Bref le produit semblait intéressant et le jeune frisé, quoique peu séduisant avait du bagout : un vrai bonimenteur. Menteur ? Pour l’heure je ne me posais même pas la question, obnibulée que j’étais par la propreté et l’hygiène dans ma maison et intriguée par cet astucieux petit engin à roulettes…
Les toiles de roms dans les coins et aux plafonds, ce redoutable et génial petit roquet (robot) allait m’en débarrasser sans faillir, de même que de la poussière des siècles : pas d’histoire ! PLUS D'HISTOIRE !
Et tout cela même le dimanche, grâce à son programme mis au point par de brillants ingénieurs de la NASA américaine ou chinoise ! Ou indienne ? J’ai oublié, il parlait trop vite, il faisait tout vite pour autant que je m’en souvienne. Et c’est pas ma maman (présente dans son fauteuil ce jour-là) qui m’aidera à m’en rappeler : elle avait déjà choppé l’Alzheimer qui l’aspira peu de temps après.
Je me souviens par contre que ce petit représentant de commerce – qui semble-t-il avait les bras longs – m’avait alors proposé pour ma maman des solutions car son frangin bossait là-dedans.
Mais quand, plus tard ça s’est aggravé pour maman et que j’ai voulu appeler son frère, il n’y avait pas d’abonné à ce numéro.

Bref, après que ce petit bonhomme offensif, qui n’arrêtait pas de tirer impulsivement sur les bords de son veston en faisant de drôles de mouvement de cou, m’eût délivré en ½ heure une information qui eût réclamé deux heures pour être assimilée, j’ai eu un sursaut de… bon sens. Oui, de bon sens.
J’ai tiqué comme on dit.
À la réflexion (mais la réflexion ne vient toujours qu’après la sidération) c’est non sans peine que je l’ai éconduit. Tant pis pour le bel aspirateur me suis-je dit.

Bien que l’ayant ensuite aperçu à plusieurs reprises dans le quartier, tentant de fourguer sa camelote, je ne sais pas ce qu’il est devenu.
A-t-il réussi à percer ? Combien a-t-il vendu d’aspirateurs d’angoisse ? J’avoue que je n’en sais trop rien.
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Précision
J'ai oublié de dire la marque de ce petit électro-ménager.
"Woerth-Bettencourt" est en effet peu connue sur le marché.
Néanmoins, elle possède un fort beau design et le packaging en remontrerait à bien d'autres.
Toutefois, la performance technique et les promesses laissent à désirer, c'est en tout cas l'avis des consommateurs avisés qui l'ont essayée.

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Légende image : Manif de Marseille samedi 16 octobre / On aperçoit bien, au centre de l'image, en blanc et à contre courant de la foule, le concepteur fabriquant de l'aspirateur d'angoisse, M. Woerth, tentant de raisonner (sinon d'arraisonner) les Irresponsables décriant ses produits.