mercredi 23 septembre 2009

Enfin un vrai tombeau pour ceux de l'Affiche rouge/Au cinéma

Grande chance et petit privilège d'avoir vu, voici un mois et demi, en avant-première sur invitation - c'est-à-dire avant tout le monde, un film qui vient tout juste de sortir, là.

"L'armée du crime", de Robert Guédiguian, est parfaitement surprenant.

Et "surprenamment" parfait.
Car... Qu'attendions-nous à vrai dire ?


Eh bien nous attendions qu'on ne nous donne plus de leçons recuites, yes !

Pari tenu ici contre toute attente. 
Nous voulions enfin rire un tout petit peu (si peu que ce soit avec les acteurs de l'histoire) et non plus, seulement, pleurer dans le vide sur des héros abstraits...

Histoire de mieux vous rendre hommage, à vous, FTP-MOI, passés dans la légende, une si lourde légende.
Dieu sait si j'en ai lu des livres, si j'en ai vu des films et des « docus », sans parler des chansons. C’est toujours facile à dire après coup, certes. Mais, disons-le enfin, la France entière vous a lâchés, et pas seulement sa hiérarchie policière.

Et pourtant.

Votre héroïsme m’a toujours été effrayant. Votre jeunesse si tôt interrompue me faisait pleurer, toujours. Que tirer de cela ? Pas grand-chose au fond.

Et voici que quelqu'un revient sur vos vies, votre histoire, sans me tirer des pleurs vains, sans attiser mon insurmontable et toxique ressentiment envers un passé passé, déplaçant cette colère sourde et sans fin vers le si vif présent.

C'est le tour de force et la prouesse de ce film. Un film « classique », merveilleusement fait, exactement comme il le fallait. C'est ce qui manquait.

Robert Guédiguian a raison : la fiction permet tout, autorise tout, c’est une maîtresse es liberté.
C'est le grand risque du créateur qui se lâche des deux mains : ça passe ou ça casse.
Or, cette prise de risque fait que nous pourrons enfin, désormais, vous honorer sans crainte.
Soixante ans ont passé. Et nul n'avait su jusqu'alors mieux dire que ce ce film,

la vraie vie, la vôtre mais aussi la nôtre, spectateurs et "voyeurs" que nous sommes pour le meilleurs et pour le pire. Comme si Robert Guédiguian était venu au cinéma pour dire ÇA, créditant, du coup, le spectateur d'un capital de confiance qui honore l'un et l'autre...

Son grand mérite reste, entre autres, de vous soustraire au fardeau des archétypes qui nous ont tant pesé, et si longtemps tenus éloignés de vous, comme modèles plausibles.
De plain-pied dans le présent - le vôtre au moment des « derniers instants », que vous ignoriez comme tels - on vous voit vivre, c’est-à-dire douter, discuter et débattre, jouer, rire, tuer, aimer...

C'est le mystère de l'incarnation que manipule l'auteur de ce film, et vous voilà ré incarnés, redevenus "utiles" comme vous aviez entendu l'être, comme vous auriez toujours dû l'être.

Et l'on peut enfin oublier (tout en le sachant) que vous allez mourir bien avant nous...

Car, pour une fois, une première fois, quelqu'un vous montre dans votre présent, un éternel présent.
Du coup, nous pouvons enfin vous RAPATRIER dans le nôtre !

Presque faire de vous des "potes" , ce que vous n'auriez jamais dû cesser d'être.
Le lyrisme et ses ravages sont - enfin ! - dans ce film, tenus en respect, à distance.
"C'est un film sur la vie sur la jeunesse. Et pour la jeunesse d'aujourd'hui" : dixit l'auteur en fin de projection.


Ça, c'est vrai de vrai, bien vu et sans prix. 
C'était le seul biais pour vous récupérer, jeunes, beaux et, étranges étrangers, de vous rapprocher de nous à qui vous manquez encore...

Même si "vous n'aviez réclamé la gloire ni les larmes", ce film, en vous soustrayant à l'héroïsme abstrait, en vous déplaçant de la gloire et des larmes, vers cette vraie vie qui fut la vôtre, cette insolence suprême, nous aide, nous plaît.
Cet héroïsme lyrique, celui qui, depuis vous, nous fait tant peur, vous éloignant injustement de nos vies à nous, où l'on vous contint si longtemps, n'est plus.
Ce film parfait pour l'instant (aux acteurs merveilleux) vous rapproche enfin. 

En outre, "L'armée du crime" parvient à ne pas être complaisant sur les scènes de torture, tortures réelles que vous avez pourtant endurées bien plus longtemps qu'on ne le voit.
Mais il était temps de vous inscrire dans une vraie fiction pour mieux vous

rencontrer/retrouver aujourd’hui.
Vous le valez bien, si vifs que vous restez !





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